Madame la Ministre déléguée au Tourisme,
Chère Sylvia Pinel,
Permettez-moi, pour commencer, de passer outre
les politesses d’usage. La rédaction d’un blog oblige à aller droit à l’essentiel.
En résumé, bravo, bienvenue et bon courage.
Dès votre nomination connue, j’ai consulté
Google pour connaître votre empreinte numérique et touristique. Je suis tombé
sur votre blog. J’y ai recherché le mot « tourisme » pour connaître
vos réflexions sur la question.
Je suis tombé sur votre allocution d’avril 2011 à
l’assemblée générale de la fédération pour la pêche et la protection du milieu
aquatique du Tarn-et-Garonne, votre terre d’origine. Vous félicitiez ses
membres pour la mise en place de leur programme pluriannuel de tourisme-pêche.
Vous avez également cité le mot tourisme lors de votre intervention sur la
discussion du Projet de loi pour la réforme des Collectivités territoriales, en
mai 2010. À part cela, rien. Enfin, je n’ai rien trouvé. Bien maigre
pêche ! Je ne doute pas que le mot « tourisme » fera rapidement
partie de votre champ lexical favori. Et puis, dans tout sport collectif, y
compris la politique, les meilleurs entraineurs n’ont pas forcément été les
meilleurs joueurs…
Le
tourisme, au cœur de la production en France
Sachez-le, votre arrivée est d’abord un
soulagement. Beaucoup de professionnels du secteur, représentants associatifs en
premier lieu, se réjouissent de ne plus avoir à faire à M. Frédéric Lefèbvre,
considéré, par les plus anciens, comme le Ministre du Tourisme le plus
incompétent de ces trente dernières années… Un professionnel m’avouait que,
quel que soit votre niveau de connaissance du secteur, il sera largement
supérieur au sien. Vous êtes certainement beaucoup moins connue et médiatique
que lui. Votre ambition sera de le devenir, mais pour les bonnes raisons. Un
regret, malgré tout, que le tourisme ne bénéficie pas d’un ministère à part
entière. Ceci dit, il ne faut pas se le cacher, vous partez de loin et ce n’est
pas les prises de parole de l’ex-candidat François Hollande qui vont tracer des
objectifs et une stratégie sur le sujet. Vous le savez, le thème du tourisme a
brillé par son absence ces derniers mois. Seul François Bayrou a visité le
salon Rendez-vous en France en mars dernier. Il explique que le tourisme est
une activité essentielle de notre économie, qui peut créer 600000 emplois dans
les 5 prochaines années. Des emplois non délocalisables, au cœur de la
production en France.
Organiser
et développer le tourisme d’affaires
Peut-être ne parle-t-on jamais du tourisme
parce que, bon an mal an, le secteur est plutôt en bonne santé. En bien
meilleure, en tout cas, que d’autres. Vous dépendez du ministère du
Redressement productif. Pas sûr que cette dénomination exotique colle à la
réalité du tourisme en France. Ce n’est pas son redressement qu’il faut
évoquer, mais bien son organisation et son développement. En tant
qu’observateur du marché Event & Meeting, je vais plutôt me concentrer sur
le tourisme d’affaires et l’événementiel, un secteur où l’expertise française
est réelle et internationalement reconnue. Je me permets d’attirer votre
attention sur trois sujets qui me semblent être essentiels à sa future
croissance :
1. Faire émerger une vraie
vision stratégique
La tenue du Congrès européen de la Cardiologie
en 2011 à Paris (30000 participants venus de 115 pays, 100000 m2 d’expo, 400
sessions scientifiques, 2000 orateurs…) et la mobilisation autour de la récente
compétition pour l’accueil du Mobile World Congress (67000 participants venus
de 205 pays, 1500 exposants, 3400 médias… Paris était finaliste)
malheureusement perdue au profit de Barcelone, montrent qu’avec un peu
d’organisation et de persévérance, la France peut avoir toutes ses chances et
le succès être au rendez-vous. La dynamique engagée par Lyon, autour de
OnlyLyon, peut servir d’exemple à Paris d’abord et à la destination France
ensuite. Le développement de la marque France et les pôles de compétitivité
doivent devenir de vrais boosters touristiques et événementiels. L’objectif est
simple : que la France redevienne, en 10 ans, la destination leader et
incontestée de l’événementiel mondial. Cette ambition dans le tourisme
d’affaires, affirmée haut et fort, nécessitera d’abord un nouvel état d’esprit
auprès de nos dirigeants et une considération toute autre, mais aussi une
évolution de l’environnement fiscal, un développement des engagements des
l’État et un changement de l’organisation publique dans ce domaine. C’est une
part non négligeable de l’avenir de l’économie française et de son attractivité
qui se joue.
2. Développer l’attractivité de
la destination France
Je me souviens de l’organisateur d’un des plus
grands congrès médicaux mondiaux qui disait que, quand il avait lieu à Paris,
c’était tout de suite 30% d’inscriptions en plus. La France reste attractive,
mais sa part dans le tourisme d’affaires mondial est en baisse. Plusieurs
classements internationaux l’attestent (ICCA, UAI…). À court terme, il suffit déjà
de mettre en place des stratégies simples, comme la mobilisation des
personnalités politiques de premier ordre quand il faut défendre un dossier. On
sait le faire pour (perdre) les JO, on doit savoir le faire pour un grand
congrès mondial. Poursuivons ce qui a été entrepris sur l’accueil, aux aéroports,
dans les gares, dans les transports en commun, sur la lisibilité des tarifs,
sur les modalités de règlement... À long terme, toujours avec l’objectif de
conquérir des événements internationaux, il sera nécessaire de développer les espaces
de très grande capacité (à Paris surtout), l’offre hôtelière dans les destinations
phares (15000 chambres 3 à 5* à Paris, contre 35000 à Londres) et les surfaces
d’expositions (cinq fois inférieure à celle de l’Allemagne…).
3. Organiser le tourisme
d’affaires
Tous les pays qui sont compétitifs sur ce
secteur connaissent une intervention efficace des pouvoirs publics, tant dans
l’investissement structurel que dans la promotion. Les budgets de communication
sont étonnamment faibles en France, comparés aux destinations concurrentes. On
a toujours pensé que Paris, les châteaux et la bonne bouffe suffisaient promouvoir
la destination à l’étranger. Il faut sortir de ce carcan. Cela passe, entre
autres, par une meilleure coordination des acteurs, une mutualisation des
moyens et la professionnalisation des pratiques. Au niveau national, régional,
départemental, local et j’en passe, on trouve des organismes de promotion qui
travaillent peu en réseau, dilapidant leurs faibles moyens, avec des priorités
souvent contradictoires. Quand à la professionnalisation des acteurs, je me
réfère souvent aux propos de Roger Tondeur, entrepreneur suisse, fondateur de
MCI Group, la seule agence de communication événementielle présente dans le
monde entier, intervenant dans un débat organisé par France Congrès, il y a
quelques années : « Quand les politiques français arrêteront de
nommer à la tête des organismes de promotion leurs maîtresses ou leurs
dentistes, quand ils feront appel à des vrais professionnels du marketing, la
destination France sera irrésistible ». Des progrès ont été faits, il faut
le signaler… Poursuivons ! Enfin, ma modeste expérience de ce secteur m’a
montré que les messages, les argumentaires, les moyens… pour attirer un
touriste d’affaires, un événement, un congrès, une exposition… étaient très
différents de ceux utilisés pour convaincre un touriste tout court… Pourquoi
alors, ne pas créer une structure nationale unique, dédiée à l’événementiel et
au tourisme d’affaires ? Une sorte de France Événements aux missions
élargies, séparée d’Atout France, même si les deux entités travailleraient en
synergie. Ce qui permettrait, en plus, d’harmoniser, au plan national,
l’ensemble de l’information disponible et actuellement tellement diffuse, et de
l’analyser. S’organiser, c’est s’adapter aux évolutions des demandes et d’une
concurrence de plus en plus vive.
Sur ces trois grands sujets, qui ne sont pas
clivants, j’espère aussi que vous saurez prêter une oreille attentive à Philippe
Augier (maire de Deauville et président de France Congrès), Marc Francina (député-maire
d’Evian et président de l'Association nationale des maires des stations
classées et communes touristiques), Daniel Fasquelle (député-maire
du Touquet) ou encore David Lisnard (Maire-adjoint de Cannes, en charge du
tourisme) qui, bien que désormais dans l’opposition, sont les rares élus
expérimentés à porter la réflexion et l’action politiques autour du tourisme
d’affaires dans les arcanes du pouvoir. Avec quelques avancées, maigres si l’on
considère que, depuis 15 ans, leurs amis politiques ont tenu les rênes du
pouvoir. Madame le Ministre, le tourisme d’affaires est une industrie à part
entière, dont les retombées sont considérables. Vous trouverez, j’en suis sûr,
les moyens de renforcer la compétitivité de la France dans ce domaine. Comme le
dit Gilles Pélission, en conclusion de son rapport sur Le tourisme d’affaires dans le Grand Paris – Vers une nouvelle ambition, « le tourisme d’affaires
[…] représente à la fois une vitrine de savoir-faire nationaux et […] il est aussi le meilleur
ambassadeur de l’attractivité de la France pour des investissements
internationaux ». À titre personnel, je me tiens à votre disposition pour
réfléchir et agir aux côtés de vos équipes.
Je vous prie d’agréer, Madame le Ministre, l’expression
de ma très haute considération.
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